Les caractéristiques d’une population : impact sur la santé en élevage vache-veau

 

Introduction

Il existe relativement peu d’étude sur les facteurs de risque qui ont un impact sur la santé des troupeaux vache-veau. De plus, plusieurs études, particulièrement les plus anciennes, ne tiennent pas compte des interactions qui existent entre certains facteurs, ni de ce qu’on appelle l’ " effet troupeau ". Chaque troupeau est une population avec des caractéristiques distinctes. Les individus de cette population ont plus de chance de se ressembler que deux individus de troupeaux différents. En ne tenant pas compte de cet effet, on peut parfois tirer de mauvaises conclusions.

L’objectif de cette présentation est d’abord d’examiner quels sont les facteurs de risque connus et appuyés par des études scientifiques valables. Nous verrons par la suite qu’il existe des liens entre ces facteurs et quel peut en être l’impact. Enfin, nous conclurons sur certains moyens qui permettent d’accroître les connaissances sur les facteurs influençant l’état de santé des troupeaux.

Il s’agit donc d’une revue de la littérature scientifique pour laquelle seules des études menées en élevages vache-veau ont été utilisées pour sa préparation.

Facteur de risques des problèmes rencontrés chez le veau

Le fait de naître suite à un vêlage difficile est l’un des facteurs de risque les mieux reconnus et ayant le plus d’impact (Dutil et al. 1999, Ganaba, 1994, Ganaba et al. 1995, Anderson, et al. 1989). Le risque de mortalité au cours des premières 24 heures serait 4.6 fois plus élevé chez les veaux nés suite à une dystocie (Wittum et al. 1994). Ces veaux sont aussi 2.4 fois plus à risque d’être malades dans les 45 premiers jours de vie (Wittum et al. 1994). L’impact des dystocies serait observable même après 30 jours d’âge (Dutil et al. 1999, Dargatz 1995).

Les veaux issus de dystocies ont en général un niveau d’immunité passive moins élevé. Ils demeurent également couchés plus longtemps après le vêlage, ce qui a pour effet de les exposer davantage aux pathogènes.

Le lien plus spécifique entre les dystocies et la diarrhée varie selon les auteurs. Une étude française soutien que les dystocies augmentent de 1.44 fois le risque (Bendali et al. 1994) alors qu’une étude américaine n’a pu établir de lien malgré un pouvoir d’étude satisfaisant (Wittum et al. 1994). La différence observée entre les conclusions des 2 études pourrait en partie s’expliquer par le type de fermes étudiées. La majorité des fermes françaises comptaient moins de 60 vaches alors que l’étude menée au Colorado portait sur des troupeaux dont la taille moyenne variait entre 100 et 400 vaches. De plus, le logement, la densité de population, l’alimentation, la régie, l’intensité de la surveillance diffèrent sans doute entre les élevages français et ceux du Colorado.

Dans les 30 ou 45 premiers jours de leur vie, les veaux de primipare (vache au premier veau) auraient plus de chance d’être malades (Wittum et al. 1994) ou de souffrir de diarrhée (Schumann et al. 1990, Clement et al. 1995) que ceux de vaches plus âgées. Cet effet s’observe même si on tient compte de l’effet des dystocies qui sont plus fréquentes chez les taures. Il est possible que les soins prodigués par la jeune mère soient moins bons que ceux d’une mère plus âgée. L’immunité conférée par les mères au premier veau est aussi en général de moins bonne qualité.

Fait à noter, aucun lien n’a pu être établi entre la parité et la maladie dans l’étude française de Bendali. Rappelez-vous que la majorité des veaux inclus dans cette étude provenaient de fermes de moins de 60 femelles. Les études de Wittum au Colorado et celle de Clement au Dakota Nord ont été effectuées sur des troupeaux de 100 à 400 vaches. Bien qu’il ne s’agisse que d’une hypothèse, il est possible que les veaux nés de taures aient moins de problèmes dans les petits troupeaux que dans les très grands troupeaux où l’on pratique l’élevage extensif.

Le risque de mortalité au cours des premières 24 heures et au cours du premier mois serait plus élevé chez les jumeaux (Wittum et al. 1994). Les veaux jumeaux sont également plus à risque de présenter des problèmes respiratoires (Wittum et al. 1994). Cet effet s’observe même lorsqu’on contrôle pour les dystocies. Ceci pourrait s’expliquer par la durée de gestation en général moins longue lors de naissance gémellaire, et par le plus petit poids moyen de ces veaux à la naissance. Chez les bovins comme chez l’humain, le veau a intérêt à naître à terme et à un poids optimum. De plus, plusieurs veaux jumeaux seront éventuellement adoptés. Si l’adoption ne s’effectue pas rapidement, il est possible que le manque de soins prodigués par la mère nuise à la survie et à la santé de celui-ci.

Certains auteurs ont remarqué plus de problèmes respiratoires (Wittum et al. 1994) et plus de problèmes de diarrhée (Clement et al. 1995) chez les veaux mâles. Cette observation était indépendante du risque plus élevé de dystocie chez les mâles. Aucun des auteurs ne donne d’explication biologique à ce phénomène. En France, le lien entre le sexe et la santé n’a été que faiblement identifié (Bendali et al. 1999). Encore une fois, la différence entre les systèmes d’élevages est peut-être en cause.

Dans une récente étude menée au Québec, 20 % des veaux échantillonnés avaient un niveau d’immunoglobulines inférieur au seuil jugé idéal. Les veaux nés de vaches en stabulation entravée avaient en moyenne plus de chance de subir un échec du transfert d’immunité que ceux nés en stabulation libre (Filteau, comm. pers.). L’étude comportant un faible nombre de veaux, aucune association significative n’a pu être établie entre les niveaux d’anticorps et la survie ou le risque de tomber malade. D’autres auteurs n’ont également pas réussi à démontrer un lien entre une bonne régie du colostrum et la fréquence des maladies chez le veau (Bendali et al. 1999, Filteau et al., comm. pers.).

Mentionnons cependant qu’il est aussi difficile de prouver, en élevage vache-veau, l’effet protecteur de l’immunité passive sur l’incidence des maladies infectieuses car la plupart des veaux dont l’immunité est très déficiente sont également dystociques. L’immunité joue certes un rôle dans la protection des veaux contre les problèmes infectieux mais, comme on le verra plus loin, elle ne peut à elle seule tout régler. La pression d’infection que peut subir le veau joue également un rôle majeur sur la santé du veau.

Il n’y aurait aucun avantage à la désinfection du nombril (Bendali et al. 1999).

 

Un problème n’arrive jamais seul! Les veaux aux prises avec un problème respiratoire sont plus à risque de faire de la diarrhée que les autres (Ganaba et al. 1995). Les veaux ayant présenté une difficulté respiratoire à la naissance sont également plus à risque de faire de la diarrhée (Bendali et al. 1999).

Il y aurait plus de problèmes en période de froid (décembre et janvier) et à la fin de la saison des vêlages.(Bendali et al 1999, Ganaba 1994). La diarrhée survient d’ailleurs chez des veaux de plus en plus jeunes à mesure que la saison avance (Clement et al. 1995). Ceci s’expliquerait par l’augmentation de la pression d’infection au fur et à mesure que les pathogènes s’accumulent dans l’environnement.

 

La présence d’une aire de vêlage diminue en général le risque de diarrhée (Ganaba 1994). Le nettoyage de l’aire de vêlage entre les vêlages ou après la dernière naissance diminue le risque de diarrhée (Bendali et al 1999).

La propreté des lieux est primordiale! Il y aurait plus de diarrhée lorsque la concentration en ammoniaque est plus élevée et lorsque les vaches sont très sales (Bendali et al. 1999). Le manque de drainage de l’aire de vêlage entraînerait également une augmentation des cas de diarrhée (Schumann et al. 1990). Dans tous les cas, ces mesures sont des indices indirects de la contamination à laquelle les veaux sont exposés.

Le fait de séparer les taures des femelles adultes en période de vêlage et de mettre les veaux diarrhéiques et leur mère en quarantaine aurait contribué à diminuer l’incidence de la diarrhée dans des troupeaux du Dakota Nord (Clement et al. 1995). Une étude menée en Alberta souligne également que les troupeaux où les vaches et les taures étaient gardées ensembles avaient une mortalité associée à la diarrhée 6.4 fois plus élevée (Schumann et al. 1990). En séparant les mères selon leur groupe d’âge, on isole les veaux de taures qui sont plus à risque. Les soins peuvent alors être plus adaptés aux besoins particuliers de ce groupe (assistance au vêlage, assistance à la première tétée). De plus, on évite que l’environnement soit contaminé par le groupe des femelles adultes ou que les veaux de taures qui seraient plus malades viennent contaminer l’aire des veaux de vaches adultes. Le fait de mettre les veaux malades en quarantaine permet de limiter l’exposition des veaux encore non infectés et réduit la contamination des lieux.

La densité de population joue également un rôle lors de problème infectieux. Il y aurait 1.74 fois plus de problèmes lorsque les veaux disposent de moins de 1.6m2 en stabulation attachée ou de moins de 1m2 en stabulation libre (Bendali et al. 1999). Si les veaux sont entassés, la contamination du milieu s’accélère et les contacts directs entre animaux malades et sains sont plus fréquents. Dans une étude menée en Alberta, l’augmentation du nombre d’abris dans l’aire de vêlage avait un effet protecteur sur la diarrhée (Schumann et al. 1990). Cette mesure avait pour effet selon l’auteur de disperser les veaux et de leur donner accès à des endroits secs.

Le fait d’introduire un veau d’un autre troupeau ou d’un encan en période de vêlage, ou encore un animal adulte juste avant le début de la période augmentent le risque d’observer des problèmes de diarrhée (Bendali et al. 1999, Clement et al. 1995). Les veaux sont ainsi exposés à de nouveaux pathogènes contre lesquels les mères n’ont pas eu le temps de développer d’immunité.

La vaccination des mères peut contribuer à réduire la fréquence, l’intensité et les pertes associées à la diarrhée chez le veau (Bendali et al. 1999, O’Callaghan et al. 1999). Il est cependant important de vacciner l’ensemble du troupeau. Les veaux nés dans des troupeaux où moins de 75% des sujets sont vaccinés seraient jusqu’à deux fois plus à risque d’être atteints de diarrhée.

Une étude publiée récemment indiquait que le nombre d’infections respiratoires était déterminé génétiquement (h2 = 0.31± 0.07, Holmskov et al. 2000). Les veaux avec de plus hautes concentrations en conglutinine seraient mieux protégés. La concentration en conglutinine serait aussi déterminée génétiquement (h2 = 0.52 ± 0.07). La conglutinine est une protéine impliquée dans la réponse immunitaire et qui joue un rôle dans l’élimination des pathogènes par l’organisme. Il s’agit d’une première étude identifiant une relation génétique entre la concentration en conglutinine et la fréquence des infections respiratoires. Il est à souhaiter que cette recherche sera reprise par d’autres équipes qui pourront répéter les résultats.

 

Facteur de risques des problèmes rencontrés chez la vache

S’il y a peu d’étude sur les facteurs de risque de la santé en élevage vache-veau, c’est particulièrement vrai pour les animaux adultes. Une étude menée sur un groupe de vaches suédoises à deux fins souligne que les vaches attachées faisant moins d’exercice souffrent plus fréquemment de problèmes au vêlage, de mammite et de problèmes locomoteurs (Gustafson 1993). Les vaches qui marchent entre 2 et 3 km par jour sont quant à elles moins à risque.

Les vaches plus âgées souffrent plus fréquemment de problèmes de fertilité, de mammite, de rétention placentaire (délivre retenu), de fièvre vitulaire, de problèmes d’onglons et de maladies en général (Reinsch et al. 1997). Il faut souligner que l’étude de Reinsch ne comportait que des vaches simmentales utilisées à deux fins. Les problèmes secondaires au manque d’exercice soulignés par Gustafson (1993) étaient plus fréquents chez les vaches plus âgées.

Comme mentionné plus haut, les vaches plus jeunes quant à elles souffrent plus fréquemment de problèmes au vêlage (Reinsch et al. 1997).

Association entre les facteurs de risque

Nous avons vu que les jumeaux et les mâles étaient en général plus à risque de devenir malades. Les problèmes aux vêlages sont également plus fréquents lors de naissances multiples et chez les veaux mâles. Rappelons-nous que les dystocies augmentent la mortalité et la fréquence des problèmes avant 30 jours d’âge et que les problèmes au vêlage sont plus fréquents chez les taures. On a vu aussi que les veaux de taures, même sans problème au vêlage, ont plus de chance de mourir ou d’être malades.

Ainsi, un jumeau mâle, né d’une taure ayant eu un vêlage difficile serait théoriquement beaucoup plus à risque puisqu’ils cumulent plusieurs facteurs de risque. Ajoutez à cela qu’il soit né en mars, que cette période correspond à la fin des vêlages, qu’il est dans la boue jusqu’au cou, qu’il doit " gratter " la mamelle avant de boire et qu’il n’y pas un cm2 de litière sèche pour l’accueillir… notre veau a bien des chances de tomber malade!

Cet exemple un peu " extrême ", vise surtout à illustrer qu’il faut souvent plus d’un facteur pour déclencher un problème. C’est ce qui explique que les fermes soient si différentes et qu’une solution efficace pour un élevage ne le sera pas pour un autre. Aucune poudre miracle ne pourra palier à de mauvaises conditions environnementales. Et le vaccin le plus efficace ne procurera bien souvent que des effets mitigés si c’est la seule mesure adoptée.

Conclusion

Plusieurs facteurs de risque demeurent inconnus et comme vous avez pu le constater, une variable peut être un facteur de risque dans certains systèmes d’élevage mais ne pas en être un dans un autre. Il importe donc de poursuivre la recherche et d’obtenir des résultats pour nos propres conditions d’élevage au Québec. Pour ce, la collaboration des producteurs est primordiale car la recherche demande l’accumulation d’une quantité importante d’information souvent détenue par le producteur. La Faculté de Médecine vétérinaire, en collaboration avec la Fédération des producteurs bovins, les compagnies ASTLQ Inc. et VETCO Inc. et un groupe de producteurs vache-veau travaille présentement à la validation d’un système de collecte des données de santé en élevage vache-veau. À long terme, nous espérons que cet outil pourra aider le producteur dans le suivi quotidien de ses animaux et permettre d’obtenir des données valides, essentielles à la recherche.

 

Recommandations

Critique des articles

Auteur

Auteur

Titre..

Sélection aléatoire

Pouvoir étude

Vache-veau?

Assume indépendance à tord

Bendali et al 1999

Risk factors associated with ..

oui

ok

oui

Non, herd considéré

Busato et al. 1997

Calf health in cow-calf herds

non

Faible 55%

oui

Non, herd a été considéré

Clement et al. 1995

Use of epidemiological…

Non

Faible

Oui

Non

Curtis et al. 1988

Descriptive epidemiology..

Non

Ok

Non

Oui

Debnath et al. 1990

A retrospective …

Oui

Faible

Oui

Oui

Fourichon et al. 1996

Élevages des veaux…

Oui

Ok

Non

Non

Franck et Kaneene 1993

Management risk…

Oui

Ok

Non

Non

Schumann et al. 1990

Risk factors…

Oui

faible

Oui

Non, données de troupeau

Sivula et al. 1996

Management practices and …

Oui

Faible

Oui

Non

Sivula et al. 1996

Descriptive epidemiology…

Oui

Ok

Non

Non

Vallet et al. 1985

Influence des conditions…

Oui

Ok

Oui

Oui

Walter-Toews et al 1986

Dairy calf ..

Non

Ok

Non

Non

Wells et al. 1996

Factors associated..

Oui

Ok

Non

Non

Wittum et al 1994

Individual animal and maternal…

Non

 

Oui

Non, herd forcé dans le model as a fixed effect